Sam, étant un Orphelin, n’a jamais connu ni son père, ni sa mère, ni même les circonstances de sa naissance. Le début de sa vie fût celle d’un gamin vivant dans un foyer délabré. Un foyer dans le plus piteux des états. Une électricité jouant à cache-cache, grésillant toutes les heures, s’éteignant et s’allumant. Aucune eau chaude, seulement de faibles jets glacés blessant sa peau. Quelques maigres repas concoctés avec les moyens du bord. Des enfants turbulents et parfois même violents. Tel était son quotidien durant ses dix premières années. Dix années qui lui semblèrent égales à des siècles. Des années de tristesse et de malheur dont il se serait bien passé. Mais il n'avait pas le choix. Personne ne voulait de lui. Il voyait des enfants trouver une famille tout autour de lui, sans jamais en trouver une lui-même. Qu'avait-il donc de différent des autres ? Il était pourtant un mignon petit garçon, gentil, sage et doux. Un visage d’ange surmonté d’une belle chevelure à la couleur des blés. Alors pourquoi pas lui ? Pourquoi devait-il rester dans cet endroit sale et puant ? Le personnel était gentil avec lui, s’occupant du gamin comme le leur. Mais ça ne lui suffisait pas. Lui voulait une véritable famille, une véritable maison. Un jardin dans lequel jouer avec un chien. Sa propre chambre avec ses propres jouets. Un père et une mère qui l’accompagneraient à l’école au lieu de lui faire faire cours à domicile, dans une pièce sombre et insalubre, sur de vieux cahiers aux pages jaunies et cornées par le temps.

C'est donc l'année de ses dix ans, que le gamin décida de s'enfuir. En pleine nuit. Ne prenant avec lui que le peu d'affaire qu'il possédait. Son doudou, un vieux chiffon troué. Quelques vêtements et une chaine en or, qu’il portait autour du cou depuis sa naissance. Il traina dans la rue pendant plusieurs jours, seul, sale et affamé. Mais malgré ces quelques conditions peu attrayantes, il se sentait mieux là, dans la rue, plutôt qu’entouré d'autres enfant qui le martyrisait pour lui voler sa maigre barre de céréales servant de goûter. Et personne ne semblait bizarre de voir un gamin, seul et en haillons trainer dans le Bronx, le quartier le plus mal famé de New-York. Ça leur semblait normal. Normal qu'un petit garçon se retrouve là, entre les guerres de gangs et les trafics, entre la violence et la pauvreté. C'est d'ailleurs ainsi qu'il découvrit son premier don, au bout de deux ans d'errance, tel un SDF, alors qu'il essayait d'échapper à un groupe appartenant à un gang, qui voulait le tuer pour avoir été témoin d'une scène traumatisante. Ils avaient, devant ses yeux, tué un couple. Une vengeance, sûrement. Ou un règlement de comptes.

En tout cas, Sam devait fuir, rapidement. Mais encore jeune et à peine âgé de douze ans, l'enfant n'était pas assez rapide pour semer ses poursuivants. C'est alors, que trébuchant et tombant lamentablement au sol, il crut voir venir sa dernière heure. Pourtant, ceux qui s'en prenaient à lui passèrent devant le garçon sans même s'arrêter. Il comprit pourquoi en voyant son reflet dans la vitrine d'un magasin. Il avait pris l'apparence d'une fillette croisée plus tôt dans la journée. Mais comment était-ce possible ? Il ne savait pas. Et ce phénomène ne se reproduisant pas, il pensa avoir rêvé.


Un an plus tard, alors qu'il volait pour se nourrir, il se fit attraper par les flics, et de fût pour lui un retour radical au foyer qu'il avait pourtant fui trois ans auparavant. À nouveau les années passèrent, lentes. Dans cet endroit malodorant et toujours si sale. Mais pourquoi revenait-il toujours ici ? Pourquoi ne pouvait-il pas aller dans un endroit meilleur ? Trois nouvelles années passèrent. Il avait désormais seize ans et pensait que la vie ne lui offrirait jamais rien de plus beau. Il pensait que la vie ne ferait jamais de lui quelqu’un d’important, ni même quelqu’un d’aimé. Pourtant, le jour même de son anniversaire, une femme d’une beauté magnifique se présenta à l’Orphelinat. Une femme à la beauté sans pareil. Des yeux d’un bleu si profond et si turquoise qu’il crut s’y perdre dedans. Une chevelure aussi blonde que la sienne, descendant en cascade le long de ses épaules dénudées. Une robe, semblant sortie d’un film venait recouvrir son corps tout en finesse et aux formes généreuses. Il ne sût comment, ni pourquoi, mais alors que leurs regards se croisaient, il sut qui elle était : Sa mère. Sa véritable mère qui venait enfin le chercher.

Le personnel du foyer n’émit aucune objection lorsqu’elle lui prit simplement la main pour l’amener, semblant tout aussi subjugué que lui par la prestance dont elle faisait preuve. Mais qui était-elle ? Et pourquoi maintenant ? Pourquoi tant d’années après ? Il l’apprit plus tard, lorsque après une expérience de téléportation à le faire vomir, il se retrouva soudainement sur une île. L’île de Délos. Devant lui et tout autour, la nature prenait place, se tenant maîtresse des lieux, alors que vaquant à leurs occupations, des jeunes allaient et venaient. Certains étaient vêtus de cuirasses, portant des épées à leurs tailles. D’autres, livres en mains, accouraient vers un immense bâtiment au style grec. C’est là, qu’une fois ses nausées passées, la femme parla enfin. Elle lui expliqua tout. Dans les moindres détails. Qui elle était. Elle, la déesse Aphrodite. Et pourquoi elle l’avait laissé vivre dans la misère. Parce-que là-bas son odeur de demi-dieux était camouflée et rien de dangereux ne pouvait l’atteindre. Issue de divinité. Enfant prodige. Et pour la première fois de sa vie, il se sentit à sa place. Il put découvrir et apprendre à contrôler ses pouvoirs, comprenant alors que, lorsqu'il pouvait prendre l'apparence des gens croisés dans sa vie, mais également envoûter qui il voulait. Il était heureux ici. Il vivait tranquillement, vivant ses premières peines de cœur, ses premières vraies amitiés, ses premiers combats. Découvrant un monde qu'il n'aurait jamais cru exister. Il gagna à son tour en beauté, en prestance. Il devint enfin quelqu’un. Un Demi-Dieu. Un chef, un frère. Un conseiller.

Les années passent, à la fois rapides et lentes. La colonie voit beaucoup d’horreur défiler, mais se relève à chaque fois. Sam décide de rester ici, plutôt que de partir comme beaucoup d’autres sangs-mêlés, acceptant le rôle de Chef de Bungalow, accueillant les plus jeunes et les aidant à se trouver, à découvrir qui ils sont. Il prends son rôle très au sérieux, n’écoutant que son cœur empli d’un profond amour pour toute trace de vie.